Des réservoirs géothermiques pour nos villes

Des réservoirs géothermiques pour nos villes

16 décembre 2016 - de Ueli Wieland

Les sondes géothermiques et les pompes à chaleur offrent depuis une trentaine d’années une très bonne alternative au pétrole pour chauffer les habitations. La Suisse compte parmi les meilleurs dans ce domaine. Moi aussi, il y a sept ans, j’avais fait installer une sonde géothermique pour notre maison et ne peux en dire que du bien. Malgré ce succès, la vente des sondes géothermiques stagne pour la première fois depuis 2015. Ceci vient du fait que les sondes géothermiques se volent mutuellement la chaleur en contexte urbain. Que faire ?

Les sondes installées trop près les unes des autres doivent être régénérées

Ce week-end, j’étais à Grindelwald et j’ai profité de la chaleur des rayons du soleil. Le flux thermique atteignait près de 250 Watt au mètre carré. Il atteindrait même 1350 W/m² en été. Pas moyen, par contre, de sentir le flux thermique venant des profondeurs de la terre, qui n’atteint d’ailleurs que des valeurs de 0,09 W/m². La conduction thermique de la roche est d’ailleurs mauvaise. La chaleur ne s’écoule pas, elle pénètre seulement.

Les sondes géothermiques et le pompes à chaleur permettent, elles, d’acheminer directement la chaleur du sous-sol vers les habitations. Mais ceci ne fonctionne pas dans des zones densément peuplées, car les sondes se prennent alors mutuellement la chaleur, refroidissant le sol à longue échéance. Il faut alors régénérer les sondes géothermiques concernées. Le plus simple, dans pareil cas, est de refroidir la maison en été en réinjectant la chaleur excédentaire dans la sonde. C’est génial et simple, mais malheureusement pas très efficace. Ce sont les panneaux solaires fixés sur le toit qui permettent la meilleure régénération. Une maison unifamiliale ne nécessite que quelques mètres carrés, mais, dans les villes avec un bâti très dense, la surface des panneaux nécessaires devient beaucoup trop grande. Il faut donc trouver d’autres solutions.

On peut en tous cas tirer ce premier bilan :

  • Une simple sonde géothermique suffit à une maison unifamiliale.
  • Les sondes géothermiques devraient être régénérées à l’aide de panneaux solaires dans les quartiers à maisons unifamiliales.
  • Les sondes géothermiques ne conviennent pas aux zones densément peuplées. Mais, il est possible de réaliser un réseau de chaleur urbaine à basse température si l’eau d’un fleuve ou d’un lac est disponible à proximité. Les maisons seront alors chauffées à l’aide de pompes à chaleur eau-eau.

Réservoirs géothermiques saisonniers pour des zones et des quartiers

Les sondes géothermiques peuvent non seulement capter de l’énergie, mais aussi en stocker pour l’utiliser plus tard. On chauffe alors la roche en injectant pendant un certain temps plus de chaleur dans le sous-sol que l’on en soustrait. La règle valable dans tel cas : plus les sondes sont posées près les unes des autres, plus le réservoir géothermique devient efficace, pouvant atteindre un rendement de 70 %. La Suisse possède déjà plusieurs installations de ce type.

Au campus Hönggerberg de l’ETH de Zurich, 425 sondes géothermiques stockent la chaleur de serveurs et d’appareils des laboratoires à 200 m de profondeur (plus de détails ici). Cette idée de stockage saisonnier à l’aide de champs de sondes géothermiques convient le mieux au chauffage de nouvelles zones à construire.

Le Bassin parisien nous montre depuis nombreuses années comment on peut affranchir des quartiers existants du pétrole et du gaz. De l'eau géothermale plus chaude, pompée d'une couche aquifère, passe ensuite à travers un échangeur thermique, permettant ainsi d'alimenter un réseau de chaleur urbaine. A la fin du parcours, l'eau refroidie est réinjectée dans le sous-sol pour être à nouveau chauffée (plus de détails ici).

Les couches proches de la surface se prêtent également au stockage géothermique saisonnier à des températures modérées (50 à 70° Celsius). Mais elles doivent alors être assez poreuses et pas trop épaisses. La nappe phréatique ne peut servir de source d’alimentation en eau douce et ne devrait avoir qu’une faible vitesse d’écoulement. Entre en ligne de compte pour la production thermique la chaleur perdue de l’industrie et du traitement des déchets, ou, espérons, aussi de centrales géothermiques pétrothermales dans le futur. Aux Pays-Bas furent installés déjà 2500 réservoirs géothermiques saisonniers à une profondeur de 20 à 300 m. Les maisons sont chauffées à l’aide de pompes à chaleur.

Le canton de Genève est convaincu que son bassin molassique se prête aussi à la création d’un réservoir géothermique et à l’exploitation d’eau chaude géothermale. En vue de planifier et réaliser cette idée, on a mis sur pied le projet Geothermie2020. C’est dans ce cadre que s’engage le Centre suisse de compétence SCCER-SoE avec l’Université de Genève pour faire une analyse et une simulation géologiques en vue d’identifier des sites appropriés.

Nous pouvons ici tirer un deuxième bilan :

  • Il faudrait examiner dans les villes à bâti dense si les couches aquifères proches de la surface se prêtent au stockage géothermique.
  • Dans le cas de nouvelles zones à construire, il serait préférable d’aménager des champs de sondes géothermiques pour un stockage saisonnier de l’énergie.

Perspectives

Le chauffage à l’énergie fossile (pétrole ou gaz) peut être remplacé par la géothermie. Mais, comme bien souvent, la solution ne repose pas sur une seule technologie : Les chauffages du futur seront alimentés par différents systèmes thermiques selon la densité du bâti et le type de sous-sol.

En Suisse, de nouveaux forages vont être entrepris pour voir si des couches aquifères plus profondes sont assez poreuses pour permettre une exploitation rentable d’eau thermale très chaude, comme c’est le cas par exemple à Munich (plus de détails ici). De meilleures connaissances du sous-sol proche de la surface aideront à trouver des couches géologiques optimales pour le stockage géothermique saisonnier. En outre, le Centre suisse de compétence SCCER-SoE et l’industrie ont prévu des tests pour réaliser des réservoirs géothermiques à haute température par le procédé pétrothermal, donc sans devoir recourir à des couches aquifères naturelles.

Auteur

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Ueli Wieland est chef de programme du SCCER-SoE.